viernes, 11 de julio de 2008

Poemas de NadiaTuéni. Libano









EN MONTAGNE LIBANAISE
Se souvenir - du bruit du clair de lune,

lorsque la nuit d'été se cogne à la montagne,

et que traîne le vent,

dans la bouche rocheuse des Monts Liban.

Se souvenir - d'un village escarpé,

posé comme une larme au bord d'une paupière;

on y rencontre un grenadier,

et des fleurs plus sonores qu'un clavier.

Se souvenir - de la vigne sous le figuier,

des chênes gercés que Septembre abreuve,

des fontaines et des muletiers,

du soleil dissous dans les eaux du fleuve.

Se souvenir - du basilic et du pommier,

du sirop de mûres et des amandiers.

Alors chaque fille était hirondelle,

ses yeux remuaient,

comme une nacelle,

sur un bâton du coudrier.

Se souvenir - de l'ermite et du chevrier,

des sentiers qui mènent au bout du nuage,

du chant de l'Islam, des châteaux croisés,

et des cloches folles, du mois de juillet.

Se souvenir - de chacun, de tous,

du conteur, du mage, et du boulanger,

des mots de la fête, de ceux des orages,

de la mer qui brille comme une médaille,

dans le paysage.

Se souvenir - d'un souvenir d'enfant,

d'un secret royaume qui avait note âge;nous ne savions pas lire les présages,

dans ces oiseaux morts au fond de leurs cages,

sur les Monts Liban.



JE JURE
Je Jure
avoir reçu en pleine figure
la bénédiction du soleil
quand les arbres sont lourds
par en haut
et la couleur novice
Quand le monde fait
ses premiers pas
au lendemain de la nuit
l'air est partage d'un même amour
la terre qui bat dans ma poitrine
a forme de désert
il y a de l'eau hors les murs
qui constate la solitude
au moment précis du retour
je jure par le vent gluant de musc
par le sable qui se lève en armée
par le baiser d'un ciel ouvert
par la tradition qui m'annule
Je jure
avoir voulu ce temps
que je retiens...



LES SURVIVANTS
Une oiseau sur l'occident se pose. A peine dans tes mains la nuit s'obstine, l'amour comme une odeur se couche, telle est l'aube qui me paralyse jusqu'à la taille.

Si je pouvais dire je n'ai qu'un silence, si je pouvais dans la lumière sans réponse faire d'un cri un pays, alors il n'y aurait pas de fin sur l'été.

D'un pas d'océan je nomme l'eau, et le ciel sera fou. La terre a reconnu mes lèvres. Moi je cherche encore ce qui dans le sommeil est peuplé de vautours. Aucun lien entre la croix et le geste. En fermant les yeux je vois la vie à perdre haleine.

Ombre du voyageur telle est la tendre plainte, et dans sa voix l'écho d'un ancien testament.Au bord de la mémoire une oreille oubliée.

Les jardins rampent sous la lune et la pluie immobile sur l'aile d'épervier.

Nous survivrons jusqu'à en rire; de dos c'est facile.

Nous survivrons au mouvement paisible du soleil avec la patience des morts.

Toi dont le ventre est temps d'aimer, moi qui n'ai rien compris au règne des distances, que dire au vent qui nous démembre, à la peur qui nous tranche la tête? Tout homme endormi est une île.Ai-je été cette image trouée de mille angoisses qui saignait de mémoire? O mort plus nourricière que le feu, s'il n'y a qu'un conteur sans histoire et le chien bleu des songes, alors je ne dépends que de la mer.

Puis un bruit de corps froissé envahit le désert; il s'agit d'un matin qui m'échappe des doigts, avec des cris de toutes les couleurs. Les villes se peignent de joie.

Nous survivrons jusqu'à en rire, jusqu'au regard fixe entre parole et sang.

Le temps long se repose. ...

ANJAR
L'histoire lui a coupé la tête,

mais son corps de danseuse chatoie comme une fête,

en ce matin de la Békaa.

On dirait un vol de mouettes,

échoué dans quelque acacia:

ou peut-être un blanc paquebot,

sur un sommeil de coquelicot.

Anjar fut fille d'Omeyades,

amie de caravanes et songe des nomades.

Du palais du Calies à la mosquée de Dieu,

l'araignée des chemins est dessin minutieux.

Anjar fut ville musulmane,

à l'enceinte sévère, à l'arcade rieuse;

hors ses murs une barbacane,

et dans ses patios une almée ingénieuse.

L'histoire lui a coupé la tête,

mais son corps de danseuse chatoie comme une fête,

en un matin de fantasia.
Il y eut ici des marchands,

venus de tous les coins du sang,

des vergers de l'Oronte et des plateaux afghans,

de terres situées hors de l'enclos du temps.

Il y eut ici des vents.

L'histoire lui a coupé la tête,

mais la lourde Békaa chatoie comme une fête,

en un matin d'alléluia.


BEITEDDINE
Ici pousse la fleur et la géométrie.

Les mots ont une odeur de roses.

Quelques secrets s'envolent où la main nue se pose,

le vent dans les cyprès est un amour ancien.

Beiteddine épie la valléedans la ruse de ses allées.

Les murs ont pleuré de couleurs,

et les plafonds voyagent comme l'eau des fontaines.

Ici dorment matins et violents coups de lune;

quand au bord d'une cour une forme s'affole,

c'est à peine une arcade et déjà un envol

d'oiseaux que la lumière oublie dans les jardins.



BEYROUTH
Qu'elle soit courtisane, érudite, ou dévote,

péninsule de bruits, des couleurs, et de l'or

,ville marchande et rose, voguant comme une flotte

qui cherche à l'horizon la tendresse d'un port,

elle est mille fois mort, mille fois revécue.

Beyrouth des cents palais, et Béryte des pierres,

où l'on vient de partout ériger ses statues,

qui font prier les hommes, et font crier les guerres.

Ses femmes aux yeux de plages qui s'allument la nuit,

et ses mendiants semblables à d'anciennes pythies.

A Beyrouth chaque idée habite une maison.

A Beyrouth l'on décharge pensées et caravanes,

flibustiers de l'esprit, prêtresses ou bien sultanes.

Qu'elle soit religieuse, ou qu'elle soit sorcière,

ou qu'elle soit les deux, ou qu'elle soit charnière,

du portail de la mer ou des grilles du levant,

qu'elle soit adorée ou qu'elle soit maudite,

qu'elle soit sanguinaire, ou qu'elle soit d'eau bénite,

qu'elle soit innocente ou qu'elle soit meurtrière,

en étant phénicienne, arabe ou routière,

en étant levantine, aux multiples vertiges,

comme ces fleurs étranges fragiles sur leurs tiges,

Beyrouth est en orient le dernier sanctuaire,

où l'homme peut toujours s'habiller de lumière
.



PROLOGUE
C'est déjà l'orient,

où le blanc domine,

où le jaune l'ocre et le rose,ont élu royale domicile,

où l'arbre est unique,

la folie solitaire,

où l'homme repense la pensée...



.

8 comentarios:

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